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Boycott des produits israéliens
Les
faits
Pour lutter
Les faits
Le
crime d'être Israélien et la mort d'une certaine idée de l'université
Edition du vendredi 12
juillet 2002
Anette
Paquot pour ledevoir.com
(journal de Montréal)
Professeur titulaire à l'Université Laval et
directrice du département de langues, linguistique et traduction
Le
6 avril dernier paraît dans le journal britannique The Guardian un texte
signé par plus d'une centaine de professeurs d'université appelant à un
boycottage des liens avec Israël en matière de recherche et de culture.
Un appel analogue à un boycottage des institutions israéliennes est
publié quelques jours plus tard dans Libération.
Le 25 mai, Mona
Baker, professeur à l'Institut des sciences et technologies à
l'université de Manchester (UMIST), directrice de la revue The Translator
- Studies In Intercultural Communication (publiée par St. Jerome
Publishing, dont elle est propriétaire) et signataire de plusieurs pétitions
de ce genre, écrit à Miriam Shlesinger, de l'université Bar-Ilan, lui
demandant de démissionner du comité de rédaction de The Translator. Sur
son refus, peu après, elle l'informe d'autorité qu'elle ne fait désormais
plus partie des instances la revue : «Je ne peux supporter plus
longtemps, lui écrit-elle, l'idée de coopérer avec des Israéliens en
tant que tels, à moins que ce ne soit explicitement dans le contexte
d'une lutte pour les droits de l'homme en Palestine.»
Le 8 juin, Mme Baker signifie officiellement à Gideon Toury, titulaire de
la chaire Bernstein de théorie de la traduction à l'université de
Tel-Aviv, qu'il doit faire le même choix : démissionner ou être démis
de ses fonctions de consulting editor de la revue Translation Studies
Abstracts, qui appartient aussi à St. Jerome Publishing. Elle ajoute :
«Ma décision est politique, non personnelle. En ce qui me concerne, je
vous considérerai et vous traiterai toujours comme des amis, sur un plan
personnel. Mais je ne souhaite plus maintenir une association officielle
avec quelque Israélien que ce soit dans les circonstances actuelles.»
Il faut savoir que jusqu'alors, la collaboration entre Mona Baker et ses
collègues israéliens avait toujours été fructueuse, leurs relations,
cordiales, et qu'ils jouissent tous les trois d'une réputation enviable.
Science et politique
Comme Miriam Shlesinger, Gideon Toury n'accepte pas de démissionner.
S'ils refusent de mêler science et politique, les deux universitaires ne
contestent pas à la propriétaire de ces revues scientifiques le pouvoir
de les démettre de leurs fonctions.
La nouvelle de ces mises à l'écart pour cause de nationalité se répand
comme une traînée de poudre dans les milieux de la traductologie (étude
scientifique de la traduction) et de la linguistique, dans le monde
universitaire et dans la presse générale. Le bulletin de l'European
Society for Translation Studies (EST) du mois de juin publie une déclaration
de son président, qui s'inquiète du traitement subi par deux membres éminents
de son association et demande à Mme Baker de revenir sur sa décision. La
déclaration du président est citée en partie par le quotidien Haaretz
du 16 juin (en hébreu et en anglais). La nouvelle est reprise le 18 juin
par une revue américaine, Chronicle of Higher Education. Ici, au Canada,
The National Post consacre à cette affaire un article en première page
dans son édition du 8 juillet.
Parallèlement, un intense débat s'engage par la voie du courrier électronique.
Les messages de sympathie ou de condamnation se multiplient. Adressés à
Mona Baker, aux deux Israéliens ou aux institutions scientifiques et
universitaires, ils invoquent tantôt des arguments politiques, tantôt --
le plus souvent semble-t-il -- des arguments plus généraux, mettant en
cause des principes universitaires et moraux.
Et, en effet, cette affaire n'est pas anodine et dépasse de beaucoup le
monde universitaire. En fait, elle pose des questions importantes qui
forcent chacun d'entre nous à réfléchir sur les notions d'université
et de liberté universitaire, sur l'appartenance et sur le respect des
droits fondamentaux des individus.
C'est sur la base de leur réputation scientifique et professionnelle que
les deux collègues israéliens se sont fait confier les responsabilités
qu'ils ont exercées pour ces revues. Comment justifier qu'elles leur
soient retirées uniquement à cause de leur citoyenneté, seul motif
qu'invoque, très explicitement, Mme Baker ? L'appartenance à une
nation serait-elle devenue un critère de compétence ? On sait bien
que non. Si Mme Baker a agi de la sorte, c'est pour des raisons
politiques. Et cela, aucun universitaire sérieux ne peut l'accepter.
Comme le demande le professeur Michaël Marrus, de l'université de
Toronto, qui, désormais, «va respecter l'indépendance académique de
ces publications ?» Le professeur Daniel Gile, de l'Université de
Lyon 2, pose lui aussi des questions embarrassantes pour Mme Baker :
«Jusqu'où ira ce boycott : va-t-elle interdire la publication de
comptes rendus des publications de Gideon Toury et de Miriam Shlesinger
dans sa revue ? Va-t-elle interdire à ses étudiants de les citer ?»
Ne nous y trompons pas : de la réponse à ces questions dépend le
sort de la vie intellectuelle, et cet épisode sonne peut-être la fin de
l'université libre.
Un déséquilibre dans la réprobation
Dans l'une des pétitions, il est question de boycottage des institutions
et précisé que les individus ne sont pas visés. Mais cette distinction
n'est pas reprise par tous et certains estiment que par leur seule
appartenance à une université, les professeurs la représentent en tant
qu'institution. Posons donc la question : qu'est-ce, pour un
universitaire, que représenter une institution ? Suis-je le représentant
de mon université quand, en tant que professeur, je donne une
communication à un congrès scientifique ? Ne suis-je pas là pour
présenter mes réflexions et le résultat de mon travail ? Cette
objection est valable -- a fortiori -- en ce qui concerne le gouvernement :
des universitaires dans l'exercice de leur travail ne représentent pas
plus leur gouvernement que leur institution. Par sa nature même, leur
travail doit ignorer les frontières nationales ou étatiques, car la vérité
scientifique les ignore aussi : il n'y a pas de science russe ni américaine
ni israélienne. Seule une idéologie totalitaire et périmée affirme le
contraire. On sait où cela a mené.
L'une des pétitions invoquées dans ce débat mentionne explicitement les
droits de l'homme. Il est pour le moins ironique (mais, hélas, ce n'est
pas la première fois !) qu'en leur nom, ceux de personnes bien réelles
soient bafoués si ouvertement !
On ne peut ignorer non plus que le boycottage vise exclusivement Israël,
et il faut se demander pourquoi il ignore tant de comportements
condamnables lorsqu'ils sont le fait d'autres pays, à commencer par les
attentats suicide commis par les terroristes palestiniens. Par exemple, il
n'y a pas de boycottage universitaire de la Russie pour ce qu'elle fait en
Tchétchénie ni de la Chine pour son occupation du Tibet. Cette sévérité
implacable contre le seul État juif, cette indignation sélective, ce déséquilibre
dans la réprobation, tout cela devrait paraître suspect à tout esprit
non prévenu et l'amener à s'interroger honnêtement sur la tendance
actuelle, si forte dans certains milieux intellectuels, à la démonisation
d'Israël.
Au nom des valeurs qui doivent être non seulement celles de tout
intellectuel mais aussi celles de toute personne soucieuse du respect des
droits fondamentaux, les universitaires devraient exprimer leur solidarité
et leur soutien à leurs deux collègues israéliens, si injustement traités.
En tant que citoyens d'un pays libre et démocratique, comme l'est l'État
d'Israël, nous devons tous protester aussi contre toutes les manoeuvres
politiques qui tendent à faire mettre ce pays au ban des nations. Elles
sont la négation des principes qu'elles prétendent défendre.
Appel
au boycottage des produits israéliens
Edition du vendredi 12
juillet 2002
Mouna Naïm pour LE
MONDE
Parce que les
gouvernements européens, et notamment français, ne réagissent pas aux
violations par Israël de l'article 2 de l'accord d'association
Union européenne-Israël dont " toutes les dispositions se
fondent sur le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques"
et parce que le Conseil et la Commission européens n'appliquent pas la
résolution du Parlement de Strasbourg demandant la "suspension"
dudit accord, une trentaine d'associations françaises ont décidé,
jeudi 11 juillet, de "donner l'exemple" en lançant
un appel au boycottage des produits israéliens. Cette démarche, dont
les auteurs ont tenu à souligner le caractère " politique",
est dictée par le fait qu'Israël " accentu! e de jour
en jour la colonisation des territoires palestiniens, la répression et
l'humiliation de la population palestinienne, la destruction de toutes
ses infrastructures et les violations du droit international".
Dans la mesure où, estiment-ils, l'Etat juif
usurpe des terres agricoles et les ressources en eau palestiniennes, et
où il exporte des produits " de colonies installées en
Palestine sous la mention "Made in Israël"",
pratique clairement dénoncée dans l'accord économique euro-israélien,
les auteurs de l'appel ciblent notamment les produits agricoles, en
particulier ceux "estampillés Carmel et Jaffa" ou
" qui portent le code 0729 qui est l'identifiant
d'Israël". La Coordination des Appels pour une paix juste au
Proche-Orient, l'Association France-Palestine Solidarité, la Ligue
communiste révolutionnaire, la Commission internationale des Verts,
Femmes en Noir, le Mouvement européen pour la paix, figurent parmi ces
associations.
Pour lutter
http://www.shopinisrael.com/
Pour aider Israël, il faut acheter israélien. Le
site propose plusieurs catégories d'achat.
http://www.aaisc.net/
la principale pétition d'universitaires contre le
boycott des rapports scientifiques et culturels avec Israël.
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